Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/535

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

journalier de sa table ; cette magnificence, dis-je, ne lui étoit pas imputée à crime ; elle dénotoit au contraire l’abondance des bénédictions du ciel sur sa tête ; lorsqu’il en est autrement, cela vient de l’usage pervers des richesses prodiguées pour de mauvaises fins, souvent contraires aux motifs pour lesquels elles nous ont été données, qui sont de réjouir le cœur, l’épanouir, et le rendre bienfaisant.

Et voilà précisément le piège où le riche étoit tombé ; s’il eût vécu moins somptueusement, il eût trouvé quelques heures favorables à la méditation, il eût disposé son ame à concevoir une idée de la pauvreté, elle eût senti la compassion.

Souviens-toi, mon fils, que tu as reçu pendant ta vie les biens en partage, et que les maux ont été celui de Lazare. Souviens-toi… ô le fâcheux souvenir ! un homme qui a traversé ce monde avec tous les avantages et les bénédictions de son côté, comblé de richesses par la main de Dieu, entouré d’amis, et reçu aux acclamations de la société qui le divinise, se rappeler combien il a reçu, combien peu il a donné, qu’il n’a été l’ami, le protecteur, le bienfaiteur de personne… Dieu miséricordieux ! priant en vain pour lui-