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au monde ; celui qui le suit présente une scène d’horreur. Notre Seigneur le peint dans l’état le plus abject de la misère, élevant ses yeux vers le ciel, et criant merci au patriarche Abraham.

Et Abraham lui dit : mon fils, souviens-toi que pendant ta vie les biens furent ton partage.

Mais ces biens, ne les avoit-il pas reçus du ciel ? pouvoit-on les lui reprocher ? avec quelque sévérité que l’écriture parle contre les richesses, il ne paroît point qu’une vie et une dépense fastueuse fussent le crime du mauvais riche, et que cette qualité fût une partie constituante de son caractère. Il en étoit alors comme aujourd’hui. Le rang qu’il occupoit dans le monde justifioit peut-être ses dépenses, il les exigeoit même sans qu’on dût les lui reprocher ; car la différence des états se fait connoître ordinairement à ces marques distinctives que la coutume impose. L’excessive abondance et la magnificence qu’étaloit Salomon, lui qui avoit dix bœufs engraissés, vingt autres hors des pâturages, cent moutons, sans compter les chevreuils, les cerfs, les daims et les oiseaux, trente mesures de fleur de farine, et soixante mesures de farine pour l’approvisionnement