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le seul qui soit ineffable est celui que donnent une fortune modérée, des désirs plus modérés encore, et la conscience de la vertu.

Ah ! qu’ils sont délicieux les plaisirs peu bruyans de ce paysan honnête qui s’éveille et se lève gaiement pour aller au travail ! Voyez sa cabane, c’est le spectacle de la félicité humaine ; il se livre à toutes les jouissances de la domesticité. Ses enfans font sa joie et sa consolation, l’espoir de leur bonheur anime ses yeux, et épanouit son cœur. Vous ne concevrez pas qu’il existe des plaisirs plus purs dans l’état le plus opulent… S’il falloit les comparer ses plaisirs et ses peines avec ceux des hommes qui peut-être le méprisent, il resteroit dans la balance, que le riche a plus de mets, et le pauvre un meilleur estomac, que l’un environné de luxe a plus de médecins à ses ordres, mais que l’autre a plus de santé : dans tous les autres points de la vie, ils sont au même niveau. Le soleil les éclaire et les échauffe également, l’air leur dispense un souffle aussi frais, la terre leur exhale les mêmes parfums, ils ont une portion égale dans tous les bienfaits réels de la nature.

Ce que j’ai dit est suffisant pour démontrer combien il est difficile de juger du