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vais de l’envie, de la malice, du soupçon ? De quelque manière qu’ils soient faits, ne peuvent-ils pas dériver d’une méprise qui a aggrandi de petites choses, et quelquefois d’une relation infidelle. Il arrive aussi, de toutes ces causes, que les actions des hommes, comme les histoires de l’Égypte, doivent être reçues et lues avec précaution. Elles sont accompagnées et défigurées de tant de songes et de fables, qu’un lecteur ordinaire ne peut distinguer la vérité du mensonge. Accordons que mes réflexions soient trop sévères, que l’envie n’ait jamais amoindri le mérite des actions humaines, et que la malice ne les ait jamais noircies, les caractères des hommes en sont-ils plus faciles à pénétrer, eux qui se cachent dans la partie la plus retirée et la plus obscure de la vie ? La plus vraie piété est la plus secrète, la plus mauvaise action l’est aussi, par une raison toute différente. Quelques hommes sont modestes et se donnent de la peine pour cacher leurs vertus ; s’ensevelissant dans une réserve pénible, ils veulent faire ignorer leurs bonnes qualités ; d’autres, au contraire, font jouer mille petits artifices, pour contrefaire les vertus qu’ils n’ont pas, et dissimuler les vices qu’ils ont réellement, et cela sous la belle montre de la sainteté,