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dans la construction du monde, ce n’est pas un devoir religieux d’ajouter à nos malheurs. Ne méritons jamais les louanges qu’obtinrent ces anachorètes, qui vivant au milieu d’un jardin embaumé ne touchèrent jamais une fleur. J’ai pitié de ceux dont les plaisirs naturels sont des fardeaux et des privations, et qui fanatiques malades fuyent loin de la joie comme si elle étoit un crime.

Ah ! s’il en est un dans le monde, c’est l’affliction et l’oppression du cœur ; la perte des biens, de la santé, des couronnes et des dignités sont des maux en tant qu’ils occasionnent des chagrins ; séparez-les de ces privations, tout le reste est vérité, et réside seulement dans la tête de l’homme.

Être infortuné ! les douleurs de ton ame ne suffisent-elles pas, sans que tu remplisses la mesure avec celles du caprice, tu marches sans cesse dans l’ombre, et tu veux encore t’y tourmenter en vain !

Nous sommes des créatures incapables de repos, et tels nous serons jusqu’à la fin des choses. Ce que nous pouvons opérer de mieux, est de faire de notre caractère turbulent ce que les hommes sages font de leurs mauvaises habitudes. Quand ils ne peuvent les vaincre,