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la réalité ? Rien n’est si commun que de voir un homme sans principes de religion, l’avouer, en faire gloire, et se croire mortellement offensé si on élevoit le moindre soupçon sur son caractère moral, et si l’on pensoit qu’il n’est pas consciencieusement juste et scrupuleux jusqu’au ridicule. Je veux le croire, parce qu’il est pénible de suspecter une vertu aussi aimable que l’honnêteté, cependant en jetant un regard sur ses motifs, nous trouvons peu de raisons à lui en envier l’honneur.

Qu’il déclame pompeusement, sa probité n’aura d’autre fondement que son intérêt, sa vanité, son plaisir, et quelques petites passions dont la mobilité nous donnera de bien foibles espérances quand il s’agira de choses importantes.

Embellissons ceci par un exemple.

Je sais que le banquier qui trafique mon argent, et le médecin que j’appelle dans mes maladies, n’ont pas beaucoup de religion ; j’ai entendu leurs railleries, ils ont traité devant moi ses mystères et ses pratiques avec tant de dédain qu’ils paroissent s’être mis au-dessus de tous les doutes. Eh bien ! je mets malgré cela ma fortune entre les mains du premier, et je confie ma vie à la science