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couleurs les plus fausses que la flatterie puisse broyer, tandis que celles où il n’a jamais été entraîné, lui paroissent salies des marques de la folie et du déshonneur.

Lorsque David surprit Saül dormant dans une caverne, et qu’il lui coupa un pan de sa robe, son cœur, nous dit-on, lui murmura quelques reproches. Mais lors de l’aventure d’Urie, ce fidelle serviteur qu’il eût dû chérir et honorer, devint la victime de son incontinence ; sa conscience avoit la plus grande raison de s’alarmer ; eh bien ! elle ne lui dit rien. Une année entière s’écoula entre son crime et le jour où Natan lui fut envoyé pour le lui reprocher. Il est écrit qu’il n’en avoit pas encore témoigné le moindre repentir.

Telle est la conscience. Ce moniteur fidelle constitué en nous pour être notre juge suprême, et doué d’équité par le créateur, par une malheureuse série de causes et d’obstacles prend une connoissance si imparfaite de ce qui s’y passe, il remplit son devoir avec tant de négligence, quelquefois avec tant de corruption, qu’il est impossible de s’en rapporter à lui seul. Il est nécessaire, absolument nécessaire de lui associer un autre principe pour aider, pour maîtriser même ses déterminations.