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dicte sur quelques petites fautes contre lesquelles son rang et sa fortune auroient dû le prémunir. Cependant il vit aussi gaiement, il dort aussi profondément, il rencontre la mort avec autant, avec plus d’indifférence, que l’homme le plus irréprochable.

Un autre est sordide et sans pitié ; son cœur resserré par l’intérêt ne s’ouvre ni à l’amitié, ni à la félicité publique. Voyez comme il passe auprès de la veuve et de l’orphelin, et comme il considère les malheurs attachés à la vie humaine sans pousser un soupir ! Sa conscience ne s’élèvera-t-elle jamais contre lui ? ne tourmentera-t-elle jamais son apathie ? non. Grâces à Dieu, dit-il, je n’ai rien à me reprocher. Je paie exactement mes dettes, personne n’est alarmé de mon libertinage, je n’ai fait ni vœu, ni promesse, je n’ai débauché ni la femme ni la fille de mon voisin. Je ne suis ni injuste, ni adultère, comme ce libertin qui passe devant moi.

Un troisième est subtil et rusé. Observez sa vie entière, c’est un tissu délié d’artifices obscurs, de subterfuges injustes pour frustrer indignement l’intention de toutes les lois ; il élude leurs décisions, et se joue de nos propriétés : le voilà occupé à achever le piège où se prendront l’ignorance et la nécessité.