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est innocent au contraire quand ce rapporteur favorable ne le condamne pas. Ce n’est alors qu’un sujet de confiance, comme dit l’apôtre ; il est certain et de fait que la conscience est bonne, et que l’homme par conséquent est bon.

Tel est au premier coup-d’œil l’état de la question, et je ne doute pas que la connoissance du bien et du mal ne soit profondément gravée dans le cœur de l’homme. S’il étoit même possible que par l’habitude du péché sa conscience ne devînt pas insensiblement calleuse, comme certaines parties de son corps qu’un frottement habituel et continu endurcit, et qu’elle ne perdît pas ce sens exquis, et cette perception délicate dont Dieu et la nature l’ont douée, si l’amour-propre ne faisoit jamais chanceler notre jugement, et que de petits intérêts enveloppant des ténèbres les facultés supérieures de notre esprit n’en détruisissent jamais les opérations ; si la faveur n’entroit jamais dans cette cour sacrée, et que l’esprit dédaignant de s’y laisser corrompre par des présens, rougît d’être l’avocat d’une cause injuste ; si l’intérêt demeuroit tranquille et indifférent pendant que la cause se plaide, et que les passions chassées du tribunal ne prononçassent jamais