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en nous gouvernant d’après de tels jugemens, nous assurons notre tranquillité et notre bien-être pendant notre passage. Les méprises et les faux pas qui dérivent de l’ignorance sont si nombreux et si fatals, que rien n’est plus instructif que les recherches qui peuvent nous faire connoître nos erreurs. Elles sont souvent bien grossières ; quand on considère le monde, et les notions qu’il se fait, quand on voit par quelles considérations il est gouverné, on dit de la folie de ses jugemens, ce que le prophète disoit de la folie de ses actions : nous sommes fort sages pour mal faire, mais nous n’avons pas le sens de bien juger.

Que nous errions dans des questions abstraites, de pure spéculation, cela n’est pas étrange ; nous vivons environnés de mystères et d’énigmes ; tout ce qui s’offre sur notre chemin sous un point de vue ou sous l’antre peut dérober et confondre notre entendement ; mais nous devrions cependant saisir les extrémités, et ne pas prendre un contraire pour l’autre. Il est rare, par exemple, que nous estimions la vertu d’une plante être chaude, quand elle est excessivement froide, et que nous éprouvions l’opium pour nous tenir éveillés ; et cependant nous ten-