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et la tendresse à la compassion ; elle est dégagée de tout motif personnel. Oui, sans aucun acte de notre volonté, nous souffrons avec celui qui souffre, nous sentons, sans savoir pourquoi, notre cœur oppressé du poids de l’infortune dont nous sommes spectateurs. Mais lorsque la scène s’ensanglante, quand les circonstances du malheur deviennent compliquées, notre esprit est alors détenu captif, il ne peut faire aucune résistance quand il le voudroit, il est livré aux tendres émotions de la pitié, et aux réflexions profondes de la douleur. Quand on considère la partie aimante de notre naturel, sans regarder au-delà, il est impossible qu’un homme spectateur de la misère, ne se trouve attaché aux intérêts de celui qu’elle dévore, je dis impossible, et il y a pourtant des êtres… Comment les décrirai-je ? Ils sont formés d’une matière si impénétrable, l’égoïsme les a endurcis graduellement à un tel point d’insensibilité, qu’ils semblent ne pas participer à la nature humaine, et n’avoir aucune connexion avec notre espèce. Dieu nous en donne deux tristes exemples, dans la personne d’un prêtre et d’un lévite qu’il nous représente passant auprès de l’infortuné voyageur sans lui tendre la main pour l’as-