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ainsi défiguré, qu’il soit suspecté, parce que des méchans adroits s’en sont quelquefois parés. Le pharisien n’avoit aucun de ces scrupules ; la prière qu’il fit au temple nous peint l’homme ; elle montre avec quelles dispositions il alloit adorer au temple.

« Grand Dieu je te remercie de ce que tu m’as formé d’une autre argile que les gens de mon espèce. Tu les as créés fragiles et vains, et ils deviennent par choix corrompus, et méchans.

» Moi ! tu m’as formé sur un modèle bien différent, et tu as infusé en moi une partie de ton esprit. Vois, je suis élevé au-dessus des tentations et des désirs auxquels la chair est sujette. Je te remercie de m’avoir fait tel, et de ce que je ne suis pas un vaisseau frêle de terre, comme les autres, comme ce publicain ; mais un vase d’élection que tu as sanctifié. »

Après cette paraphrase de la prière du pharisien, vous me demanderez peut-être quelle raison il avoit de sonner si haut son triomphe, et d’insulter aux infirmités du genre humain, et à celles de l’humble publicain prosterné derrière lui ? Quelle raison ? vous auroit-il répondu, je donne la dîme de tout ce que je possède.