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sances ; la Providence a fait ce décret, et s’y soumettre est une consolation ; mais la honte est une affliction qui ne part point de la main de Dieu ou de la nature, elle s’élève de la terre, et c’est pour cela qu’elle lasse sitôt notre patience ; elle nous sépare tellement du monde que nous levons les yeux en haut en disant : grand Dieu ! que je tombe entre tes mains, mais non pas dans celles des hommes !

C’est ainsi qu’Eliphas parloit à Job au jour de sa détresse ; attache-toi, lui disoit-il, à présent à Dieu. Sa pauvreté ne lui avoit point laissé d’autre ami ; l’épée des Sabéens les avoit épouvantés et chassés ; ils sont assez connus dans le monde par le proverbe usité, les amis de Job.

De quelle fatalité ce saint patriarche nous donne-t-il l’exemple ? Un homme qui avoit toujours pleuré avec les malheureux, qui n’avoit jamais vu périr un misérable sans le secourir, qui n’avoit jamais souffert qu’un voyageur logeât dans la rue, mais qui lui avoit toujours ouvert sa porte ; un homme qui avoit tari les larmes dans les yeux de la veuve, et qui loin de manger seul son pain, le partageoit avec le pauvre : eh bien ! cet homme charitable, au moment où il tombe