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de tes semblables, qui a appris enfin aux hommes à regarder la pauvreté comme le plus grand des malheurs, et comme le comble de la disgrâce ; qu’est-ce qu’ils ne font point pour en éviter la peine, et même l’imputation ? n’est-ce pas pour cela qu’ils se lèvent à la pointe du jour, se privent du repos, mangent le pain de la sollicitude, qu’ils projettent, intriguent, mentent, se parjurent, rusent, prennent tous les masques, vêtissent tous les habits et les retournent au gré de la faveur ?

Les philosophes qui ont étudié la nature de l’homme assurent que la honte et la disgrâce sont les maux les plus insupportables de la vie humaine. Le courage et la résolution de quelques-uns ont maîtrisé quelquefois les autres infortunes, et les ont roidis contr’elles ; mais il ne les ont pas encore accoutumés à la honte, et combien pourrions-nous citer d’événemens tragiques occasionnés par la seule envie de s’y soustraire !

Sans cette taxe d’infamie, la pauvreté, avec la charge pesante dont elle écrase nos épaules, ne vaincroit pas notre ame tant qu’elle seroit vertueuse. La haine qui l’accompagne, la nécessité, la nudité ne sont rien, elles sont balancées par quelques jouis-