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je prophétise savamment, elle finira par la subjuguer.

Il n’y a point de caractère qui influe plus dangereusement sur les choses d’ici-bas que celui de Semeï. Tant que le pouvoir connoîtroit quelques revers, et le malheur quelques douceurs, le monde seroit habitable ; mais toi, Semeï, tu sappes les vertus que ces deux positions de la vie peuvent faire naître ; car tu corromps la prospérité, et c’est toi qui as brisé le cœur de la pauvreté ; et malheureusement, tant que les méchans seront les ambitieux, tu régneras sur la terre. Semeï infeste la cour, les armées, le cabinet, il infeste l’église. Prenez un chemin ou l’autre, dans chaque quartier de la cité, dans chaque profession, vous trouverez un Semeï suivant le char de l’homme heureux à travers la boue la plus épaisse.

Cours, Semeï, hâte-toi, ou tu vas perdre le fruit de tes peines ; Semeï retrousse ses habits et court sans cesse ; mais ne voilà-t-il pas que la main de celui qui gouverne tout arrache les roues de ce char, de sorte qu’il avance pesamment quelque temps encore, et s’arrête ensuite ; Semeï double le pas ; mais c’est en sens contraire, il vole comme le vent qui rase le désert sablonneux,