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sur le mont des Olives ? non ; le temps et le malheur n’en avoient pas assez fait, et tu vins, Semeï, pour y ajouter ta part à leur triste ouvrage.

Il vint, il maudit David, il jeta sur lui des pierres et de la boue, et il lui disait : allons, homme de Bélial, tu as cherché le sang, et te voilà pris dans tes propres pièges ; Dieu a vengé sur toi le sang de Saül et de sa famille.

Il y a un raffinement de malice à choisir un temps favorable pour donner à son ennemi des marques de sa haine. Un mot, un regard qui, dans d’autres occasions, ne feroient aucune impression, blessent le cœur plus sûrement en le blessant plus à propos : ce sont des flèches qui, volant avec le vent, s’enfoncent beaucoup plus profondément ; flèches qui, aidées seulement de la force naturelle, eussent à peine atteint leur objet.

Tel semble avoir été l’espoir de Semeï, mais l’excès de la malice rend les hommes trop prompts pour remplir leurs projets. Si Semeï avoit attendu la réponse des passions de David, et la fin du combat qui se livroit dans son cœur, le reproche qu’il lui faisoit du sang de Saül l’eût troublé davantage, mais son ame étoit livrée à d’autres sentimens ;