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qui le poussent vers le déclin de sa vie : on peut dire encore qu’il vole et s’échappe comme une ombre, quand on le compare aux autres ouvrages de la divinité, à ceux mêmes que ses mains ont faits, et qui survivent à plusieurs générations, tandis que la sienne tombe comme les feuilles que d’autres bourgeons remplacent, pour s’épanouir, tomber et être emportés par le vent.

Mais lorsque nous considérons la brièveté de ses années dans le jour qu’elles se montrent, à toi, grand Dieu, à toi à qui mille ans ne paroissent que comme le jour d’hier, quand nous considérons cette poignée de vie qui nous a été mesurée sur l’étendue de l’éternité pour laquelle nous sommes créés : ah ! comme cet espace doit être limité ! et sommes-nous encore sûrs de jouir de sa plénitude ? mille accidens divers peuvent couper la trame légère de la vie humaine long-temps avant qu’elle touche à son dernier point d’extension. Le nouveau né, proie aisée pour la mort, tombe et se résout en poussière comme le bouton nouvellement éclos. La jeunesse qui promet davantage voit s’éteindre en elle la beauté de la vie ; une maladie cruelle ou un accident désastreux l’ont couchée sur la terre, comme la fleur vivace qu’une vapeur