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Que manque-t-il à cette peinture d’un homme heureux ? rien, sûrement, si ce n’est une disposition vertueuse à jouir de tant d’avantages, et l’art d’en faire un bon usage : il l’avoit aussi, car c’étoit un homme droit, il craignoit Dieu, et évitoit le mal.

Dans le cours de sa prospérité, aussi grande qu’il en peut jamais échoir dans le partage d’un mortel ; pendant que tout sourioit autour de lui, et sembloit lui promettre un surcroît de bonheur, s’il étoit possible, tout à-coup cette scène paisible et aimable se changea en une scène de chagrin et de désespoir.

Dieu, pour remplir les desseins de sa sagesse, se plut à renverser sa fortune, il trancha l’espoir de sa postérité, et ce prince, dans un jour à jamais affreux, se vit jeté de son palais sur un fumier. Ses troupeaux, qui faisoient ses richesses, furent en partie consumés par le feu du ciel, et en partie égorgés par le glaive d’un ennemi. Ses fils et ses filles, qu’il avoit instruits dans leurs devoirs, et dans lesquels il plaçoit la félicité de l’avenir, récompense bien naturelle pour les soins et les soucis que leur enfance avoit coûtés, ses enfans furent séparés de lui par un souffle désastreux, comme ils commen-