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dans sa route ; Dieu sembloit s’être engagé à continuer ses bénédictions sur sa tête fortunée. Il l’avoit environné d’une haie, ainsi que ses possessions. Les ouvrages de ses mains étoient bénis, et chaque jour accroissoit sa fortune. Bien plus, les richesses que possède celui qui n’a ni enfans ni frères, au lieu d’être une consolation, sont quelquefois un objet d’inquiétude et de vexations. L’esprit humain n’est pas toujours satisfait de la conscience de ses propres jouissances ; il regarde devant lui, comme s’il découvroit un vide imaginaire, comme s’il désiroit un objet chéri pour le remplir ; souvent il s’inquiète et dit : pour qui travaillé-je ? pour qui me privé-je du repos ?

Dieu avoit encore élevé cette barrière devant le bonheur de Job, en le bénissant d’une foule aimable de fils et de filles, héritiers apparens de sa félicité présente. Idée délicieuse ! les bénédictions de la providence seront portées de main en main, et continuées sur les descendans de mes descendans ! combien cette espérance diffère peu de la première jouissance dans le cœur d’un père tendre, qui égare ses yeux sur le bonheur lointain de sa postérité, comme s’il devoit revivre avec elle !