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qui lui convient, soit que les paroles appartiennent à cet être puissant qui inspira à l’homme son langage, ouvrit les lèvres du muet, et rendit éloquente la langue même de l’enfance ; à laquelle de ces causes qu’on rapporte la sublimité de ce passage, ainsi que d’une quantité d’autres épars dans les livres saints, jamais homme ne put mieux méditer sur la brièveté et les malheurs de cette vie, que ce saint patriarche. Il avoit si long-temps navigué sur cette mer orageuse, son passage avoit été tellement éclairé, tantôt par le soleil, tantôt par les feux de la foudre, qu’il atteignit aux extrémités et du bonheur et de l’infortune.

Le commencement de ses jours fut couronné de toute la splendeur que l’ambition peut désirer. Il étoit le plus puissant des hommes de l’orient. Il possédoit des campagnes illimitées, et sans doute il jouissoit de tous les plaisirs que la propriété peut donner. Vous me direz que l’on doit placer sa félicité sur une base plus sûre que celle d’une fortune immense qui s’échappe tout-à-coup ; de ces biens qui se font des ailes, et s’envolent à jamais ; mais il avoit encore l’avantage de la sécurité, car la main de la Providence qui l’avoit élevé, le conduisoit