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la gentillesse du badinage. La première est une brutalité dépourvue de principes, et elle nous est suggérée par le démon ; l’autre n’est qu’une vivacité aimable qui nous vient du père des esprits. Elle est si pure, et fait tellement abstraction des personnes, qu’elle ne les offense jamais volontairement, ou si elle touche un ridicule, c’est avec la dextérité du vrai génie qui enlumine légèrement une absurdité, en la laissant passer. L’esprit peut sourire à la vue de la pyramide que la flatterie élève à la fatuité, mais la malignité la renverse, la rase au niveau du sol, et bâtit la sienne sur ses ruines.

Je m’adresse à vous, censeurs téméraires, esprits brillans, votre crédit ne tient-il pas assez de place dans les halles du monde, sans chasser encore de celles que vous n’occupez pas, les hommes à qui le sort les a assignées ? n’avez-vous pas une haute région dans laquelle vous planez, sans vous abaisser encore et vous tapir dans les cavernes ténébreuses de l’envie et de la calomnie ? Ne vous reste-t-il d’autre siège à occuper que celui du mépris de vos semblables. Eh quoi ! parce que l’honneur s’est mépris dans sa route, et que la vertu dans ses excès s’est trop approchée des confins du vice, faut-il pour