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plus fort que lui dans ce genre d’escrime ; la raillerie étoit son arme naturelle, et les esprits les plus vils sont par conséquent les plus adroits à la manier.

Il est une quatrième observation sur une des causes du mal que je vous dénonce, auditeurs chrétiens. C’est le désir de paroître homme d’esprit, en faisant des réflexions malignes et piquantes sur tout ce qui se passe dans la société. On établit une espèce de trafic sur les faillites des autres, et peut-être sur leurs malheurs. Ah ! quelque soit l’avantage que les bons mots attirent à leurs auteurs, nous ne les louons cependant que comme de certains mets qui, en flattant notre palais, excitent des larmes de nos yeux. Ce trafic est bien peu généreux ; comme il ne demande pas de grands fonds, beaucoup trop de personnes s’y livrent, et tant que les méchans seront caressés, et que de mauvaises têtes seront les juges des cercles, ce ton perfide passera pour l’esprit honteux d’une telle parenté, et il voudra lui appartenir malgré lui. Quoiqu’il en soit de leur affinité, il a donné un nom méprisable à l’esprit, dont l’essence ne fut jamais la satyre. De même qu’il y a une grande différence entre l’amertume et le sel, il en est une entre la méchanceté et