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du débordement d’exclamations que le coupable excite et mérite, comment est-il possible que quelqu’un ne se dise pas à soi-même, pourquoi le ciel ne m’a-t-il pas créé ainsi, pourquoi ne suis-je pas aussi un exemple ? cette apostrophe bien simple toucheroit plus mon cœur, et me donneroit une meilleure idée de celui du commentateur, que la période la plus caustique ne m’en donneroit de son esprit. La punition de l’infortuné n’existe-t-elle pas dans sa faute ? et quand cela ne seroit pas, quelle pitié ! que la langue d’un chrétien, que la plus douce des religions a appris à bien dire et à louer, devienne le bourreau de ses semblables. Nous lisons dans le dialogue d’Abraham et du mauvais riche, que, quoique le premier fût au ciel et le second dans les enfers, le patriarche le traita avec les expressions les plus douces : Mon fils, mon fils, lui dit-il toujours. Dans la dispute au sujet du corps de Moïse entre l’archange et le démon, le démon lui-même, St. Jude nous apprend que l’archange n’osa jamais employer contre lui la moindre raillerie. C’étoit indigne de son haut caractère, et le trait n’eût pas été d’un politique ; car s’il l’avoit fait (c’est le sentiment d’un théologien sur ce passage), le démon auroit été