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la remise, elle ôta sa main de son front et le laissa voir… C’étoit une figure à-peu-près de vingt-six ans… une brune claire, piquante, sans rouge, sans poudre, et accommodée le plus simplement. À l’examiner en détail, ce n’étoit pas une beauté ; mais il y avoit dans cette figure le charme qui, dans la situation d’esprit où je me trouvois, m’attachoit beaucoup plus que la beauté : elle étoit surtout intéressante… Elle avoit l’air d’une veuve qui avoit surmonté les premières impressions de la douleur, et qui commençoit à se reconcilier avec sa perte : mais mille autres revers de la fortune avoient pu tracer les mêmes lignes sur son visage… J’aurois voulu savoir ses malheurs… et si le même bon ton qui régnoit dans les conversations du temps d’Esdras eût été à la mode en celui-ci, je lui aurois dit : Qu’as-tu ? et pourquoi cet air inquiet ? Qu’est ce qui te chagrine ? et d’où te vient ce trouble d’esprit ? En un mot, je me sentis de la bienveillance pour elle, et je pris la résolution de lui faire ma cour de manière ou d’autre… enfin de lui offrir mes services.

Telles furent mes tentations… et disposé à les satisfaire, on me laissa seul avec la dame,