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plus amers que les herbes dont la Pâque couvrira sa table ; tandis qu’ils suivent ensemble le sentier de la vie, elle détourne de lui ses pas infidelles, et s’enfuit.

La moitié douce et tranquille du genre humain est ordinairement outragée par l’autre ; mais dans cette fatalité, il lui reste un précieux avantage ; elle pardonne : quel que soit le ressentiment de l’injure qu’on fait à l’homme de paix, l’orgueil ne surveille pas de si près le pardon qu’il accorde, que dans le cœur de l’homme superbe. Nous serions même plus enclins à cette aimable vertu si le monde nous le permettoit ; mais il est là pour interprêter nos pardons, et surtout ceux dont il s’agit ici : il a ses lois auxquelles le cœur ne se soumet pas toujours, et elles exercent sur nous un pouvoir si réel et si peu apparent, qu’il faut à l’homme honnête toute la fermeté de ses principes pour leur résister.

Quel combat notre lévite n’eut-il pas à soutenir contre lui-même, contre sa concubine, et contre l’opinion de sa tribu sur son injure ! pendant la période de quatre mois entiers, chaque passion dut régner à son tour ; et dans le flux et reflux des moins douces de celles qui dévoient l’agiter, la pitié sans doute se fit quelquefois entendre ; la religion ne