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son cœur ; car nonobstant toutes les excellentes choses en faveur de la retraite, qu’on trouve dans beaucoup de livres, il n’est pas bon pour l’homme d’être seul. Le pédant le plus froid ne frappera jamais nos oreilles d’une réponse satisfaisante contre cette sainte maxime : au milieu des plus bruyantes leçons de la philosophie, la nature élève sans cesse sa voix persuasive pour la société et l’amitié : un cœur bon et généreux en réclame toujours un second, et il languit et se dessèche, s’il en est abandonné.

Qu’un solitaire en sa torpeur marche vers le ciel seul et sans compagne ; quant à moi, je n’en trouverois jamais ainsi le chemin : que je sois sage et religieux ; mais que je sois homme. Grand Dieu ! en quelque poste que me place la Providence, quelque voie qu’elle me prescrive pour arriver à ton sein, donne-moi un compagnon dans mon voyage, quand ce ne seroit que pour lui montrer combien nos ombres s’agrandissent à mesure que le soleil baisse, quand ce ne seroit que pour lui dire, oh combien la face de la nature est fraîche et colorée ! combien les fleurs des champs sont belles ! combien les fruits des arbres sont délicieux !

Hélas ! ceux que le lévite va manger seront