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mère, en lui disant : voyez, votre fils vit.

Ah ! quel plaisir pour une ame généreuse de s’arrêter ici un moment, et de se peindre un événement aussi plein de charmes ! de voir d’un côté, l’extase d’une mère partagée entre la surprise et la reconnoissance, et l’impétuosité de la joie submergeant son ame depuis long-temps resserrée par la douleur ; et d’admirer de l’autre l’homme saint s’approchant avec l’enfant dans ses bras, les yeux brillans d’un triomphe honnête, mais adoucis en même temps par la bonté de son caractère, et par le spectacle de la nature heureuse. Ce riche tableau attend le pinceau d’un grand maître ; il m’entraîneroit d’ailleurs loin de mon sujet. Mon premier motif est d’embellir par un fait également conforme à la raison et à l’écriture, cette maxime utile : rarement une bonne action est perdue : il est au contraire plus que vraisemblable que dans cette vie même ce qui a été semé sera recueilli. Jette ton pain sur les eaux, et tu le trouveras après quelques jours. Tiens lieu à un orphelin de son père, et à une veuve de son époux, tu seras ainsi l’enfant du très-haut, et il t’aimera plus que ta mère même. Aye l’esprit plein de bonnes actions, car tu ne sais pas quels maux tomberont sur