Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/378

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

seulement sa toute puissance, mais encore sa bonté étoient compromises dans cet événement. De quel triomphe les prophètes de Baal alloient jouir ! quels traits amers dévoient partir de leurs bouches ! Le Dieu d’Israël, auroient-ils dit, est sans doute occupé ailleurs, il parle, il voyage, il dort peut être, et a besoin d’être éveillé. Le prophète étoit lui-même intéressé au succès de ses prières ; les cœurs honnêtes ont peur du scandale, il craignoit que parmi les payens il ne s’élevât quelqu’esprit méchant et caustique, qui en semant cette nouvelle, fît avec joie ces réflexions : « Eh bien, cette veuve de Sarepte a reçu dans sa maison le messager de ce Dieu, elle l’a secouru ; voyez comment elle en est récompensée. Assurément le prophète est un ingrat il a manqué de pouvoir, et ce qu’il y a de pire, il a manqué de pitié. »

Élisée plaidoit par conséquent la cause de la veuve et celle de la charité. Cette vertu venoit de recevoir une blessure profonde, et elle eût été incurable si Dieu avoit refusé son témoignage en sa faveur. Dieu écouta la voix d’Élisée, et l’enfant de la veuve ressuscita ; Élisée le prit, le porta de sa chambre dans la maison, et le donna à sa