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nisme insensible les esprits et les idées s’élèvent, et avec quelle rapidité elles se portent au-delà du terme posé par le sang froid.

Quand le riant aspect des choses a ainsi commencé par éloigner du cœur de l’homme les pensées qui en gardoient l’entrée ; quand les regards doux et caressans de chaque objet qui l’environne, ont, en flattant ses sens, conspiré avec l’ennemi du dedans pour le trahir et lui ôter ses défenses ; quand la musique a prêté son aide, et essayé son pouvoir sur les passions ; quand la voix des hommes, quand celle des femmes mêlées au doux son de la flûte et du luth ont amolli son cœur ; quand quelques notes tendres et lentes ont touché les cordes secrètes qui y retentissent à cet instant délicieux, disséquons, examinons le cœur : qu’il est foible ! qu’il est vide ! parcourons-en les retraites, les demeures pures pratiquées pour la vertu et l’innocence. Oh ! le triste spectacle ! les habitans en ont été dépossédés ; ils ont été chassés de leur sanctuaire pour faire place, à qui ? à la légèreté, à l’indiscrétion pour le moins ; peut-être à la folie, peut-être, osons le dire, à quelques pensées impures, qui dans cette débauche de l’esprit et des sens, ont saisi l’occasion d’entrer sans être aperçues.