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ne suffisent-elles pas, sans que nous allions à la quête des calamités ? Devons-nous presser une poignée d’absinthe dans le calice déjà trop amer dont nous sommes abreuvés ? ah ! consultons nos cœurs, et osons dire ensuite, avec notre texte, que le deuil vaut mieux que la joie ? non, le meilleur des êtres ne nous a pas envoyés dans le monde pour y aller toujours pleurant, pour y vexer et abréger une vie déjà assez vexée et assez courte. Croyez-vous que celui qui est infiniment heureux, puisse nous envier notre contentement ; que celui qui est infiniment aimable voie d’un œil de jalousie l’instant de repos et de rafraîchissement nécessaire au malheureux voyageur dans le cours de son pélerinage ? qu’il doive lui demander un compte sévère parce qu’en courant il aura saisi à la hâte quelques plaisirs fugitifs pour adoucir la peine de sa route, oublier la rudesse des chemins, et les chagrins divers qui l’attendent à son passage ? voyez, au contraire, combien l’auteur de notre être a placé pour nous de distance en distance de provisions de jouissances, quels caravansérails il a ouverts à nos besoins ! quelles facultés il nous a données d’y jouir du repos ! quels objets il a mis sur nos pas