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il ne dort pas plus profondément, ne veille pas plus joyeusement, et qu’en un mot, il n’a ni moins de soucis, ni moins d’anxiétés, qu’au moment de son départ pour le temple de la fortune.

Peut-être, me direz-vous, ne lui manque-t-il que quelque dignité, ou quelque titre magnifique ; peut-être s’écrie-t-il en lui-même, oh ! si je pouvois y parvenir, grand Dieu que je serois heureux ! ce seroit la même chose. Cette dignité, ce titre qui couronneroient sa tête de splendeur, n’ajouteroient pas une coudée à sa félicité. Ce qu’il désire repose sur son imagination légère ; à mesure qu’il a couru vers son objet, le fantôme a volé, a fui devant lui ; et pour me servir d’une comparaison familière, on a beau hâter son char, les roues sont toujours à une égale distance entre elles.

Mais si je me suis perpétuellement abusé dans les voies du bonheur en amassant des richesses, voyons si je ne le trouverai pas en les dépensant. Oui, je vais entreprendre de grands ouvrages, élever des palais, construire des jardins, planter des vignes, conduire des eaux. Je vais assembler des esclaves, des domestiques, des artisans, des artistes, et présider à leurs travaux. Abandonnant