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servir de ce fonds acquis, avec précaution et avec économie, pour le faire tourner à son profit. Malheureusement les chances vont ordinairement au revers et pour l’acquisition et pour l’application. Cela me fait croire qu’un homme agiroit très-sagement s’il pouvoit prendre sur lui de vivre content dans son pays, sans connoissances et sans perfections étrangères, surtout si on n’y manque pas absolument des unes et des autres. En effet, je tombe en défaillance quand j’observe tous les pas que fait un voyageur curieux, pour jeter les yeux sur des points de vue et observer des découvertes qu’il auroit pu voir chez lui, comme disoit très-bien Sancho Pança à Don-Quichotte. Le siècle est si éclairé, qu’à peine il y a quelque pays ou quelque coin dans l’Europe, dont les rayons ne soient pas traversés ou échangés réciproquement avec d’autres. Les rameaux divers des connoissances ressemblent à la musique dans les rues des villes d’Italie ; on participe gratis à ses agrémens. Mais il n’y a pas de nation sous le ciel, et Dieu à qui je rendrai compte un jour de cet ouvrage, Dieu est témoin que je parle sans ostentation ; il n’y a pas, dis-je, une nation sous le ciel qui soit plus féconde dans les genres variés de la littérature… où