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Espérance, ne s’imagina pas sans doute, quoique Hollandois, qu’il boiroit au cap du même vin que ces ceps de vigne auroient produit sur les coteaux de Beaune et de Pomar… Il étoit trop phlegmatique pour s’attendre à pareille chose ; mais il étoit au moins dans l’idée qu’il boiroit une espèce de liqueur vineuse, bonne, médiocre, ou tout-à-fait mauvaise. Il savoit que tout cela ne dépendoit pas de son choix, et que ce qu’on appelle hasard devoit décider du succès. Cependant il en espéroit la meilleure réussite ; mais, par une confiance trop présomptueuse dans la force de sa tête, et dans la profondeur de sa prudence, mon Hollandois auroit bien pu voir renverser l’une et l’autre par les fruits de son nouveau vignoble, et en montrant sa nudité devenir la risée du peuple.

Il en est de même d’un pauvre voyageur qui se hisse dans un vaisseau, ou qui court la poste à travers les royaumes les plus policés du globe, pour s’avancer dans la recherche des connoissances et des perfections.

On peut en acquérir en courant les mers et la poste dans cette vue : mais c’est mettre à la loterie. En supposant même qu’on obtienne ainsi des connoissances utiles et des perfections réelles, il faut encore savoir se