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accord presqu’incompatible de volupté et de décence qui accompagnoit toute sa personne, et qui se mêloit à tous ses mouvemens. Le statuaire, qui auroit eu à représenter la volupté, l’auroit prise pour modèle. Elle en auroit également servi à celui qui auroit eu à peindre la pudeur. Cette ame inconnue dans nos contrées, le ciel sombre et nébuleux de l’Angleterre n’avoit pu l’éteindre. Quelque chose que fît Eliza, un charme invincible se répandoit autour d’elle. Le désir, mais le désir timide la suivoit en silence. Le seul homme honnête auroit osé l’aimer, mais n’auroit osé le lui dire.

Je cherche partout Eliza. Je rencontre, je saisis quelques-uns de ses traits, quelques-uns de ses agrémens épars parmi les femmes les plus intéressantes. Mais qu’est devenue celle qui les réunissoit ? Dieux qui épuisâtes vos dons pour former une Eliza, ne la fîtes-vous que pour un moment, pour être un moment admirée, et pour être toujours regrettée ?

Tous ceux qui ont vu Eliza la regrettent. Moi, je la pleurerai tout le temps qui me reste à vivre. Mais est-ce assez de la pleurer ? ceux qui auront connu sa tendresse pour moi,