Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/278

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LA RETRAITE.


On disoit, avec raison du duc de Marlborough, que de tout ce que doit savoir un général, la seule partie qui lui manquât étoit la science des retraites. L’amour se compare souvent à la guerre, et la comparaison en est très-juste. À l’instant, où armé de gants d’amour, je croyois avoir emporté Lacour par un coup de main, le commandant en chef fait une attaque et me force à la capitulation la plus déshonorante. « Combien je ressemble peu au duc de Marlborough ! me dis-je, — oserai-je jamais faire entrer une pareil aventure dans mon voyage sentimental ? — mais je n’ai pas encore abandonné la place. » Comme je me livrois à ces réflexions Lacour me tendit sa main dessous le lit, et j’eus la consolation de la baiser sans être vu.

Sir Thomas G… évacua enfin le poste, — et, pour ne plus parler avec métaphore, il me fut permis, vers les quatre heures du matin, de faire ma retraite avec décence et sans danger.