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j’avois prononcée se présentoit en foule à mon imagination. Je fis réflexion que je n’avois d’autre droit sur ce pauvre moine que de le refuser, et que c’étoit une peine assez grande pour lui, sans y ajouter des paroles dures. Je me rappelois ses cheveux gris ; sa figure, son air honnête se retraçoient à mes yeux, et il me sembloit l’entendre dire : Quel mal vous ai-je fait ? Pourquoi me traiter ainsi ?… En vérité, j’aurois dans ce moment donné vingt francs pour avoir un avocat… Je me suis mal comporté, me disais-je… Mais je ne fais que commencer mes voyages… J’apprendrai par la suite à me mieux conduire.


LA DÉSOBLIGEANTE.
Calais.


J’avois remarqué qu’un homme mécontent de lui-même étoit dans une position d’esprit admirable pour faire un marché. Il me falloit une voiture pour voyager en France et en Italie. J’aperçus des chaises dans la cour de l’hôtellerie, et je descendis de ma chambre pour en acheter ou pour en louer une. Une vieille désobligeante, qui étoit placée dans le coin le plus reculé de la cour,