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dens… Tu mangerois de mon pain, tu boirois dans ma coupe, j’aurois soin de Silvio… Quand, tes accès te reprenant, tu te remettrois à errer, je te chercherois et te ramenerois… Je dirois mes prières quand le soleil se coucheroit… et, mes prières faites, tu jouerois ton chant du soir sur ton chalumeau… L’encens de mon sacrifice seroit plus agréable au ciel, quand il seroit accompagné de celui d’un cœur brisé par la douleur.

Je sentois la nature fondre en moi, en disant tout cela ; et Marie, voyant que je prenois mon mouchoir, déjà trop mouillé pour m’en servir, voulut le laver dans le ruisseau… mais où le ferois-tu sécher, ma chère enfant ? Dans mon sein, dit-elle, cela me fera du bien.

Est-ce que ton cœur ressent encore des feux, ma chère Marie ?

Je touchois là une corde sur laquelle étoient tendus tous ses maux. Elle me fixa quelques momens avec des yeux en désordre, puis, sans rien dire, elle prit son chalumeau, et joua une hymne à la Vierge… La vibration de la corde que j’avois touchée, cessa… Marie revint à elle, laissa tomber son chalumeau, et se leva.

Où vas-tu, ma chère Marie ? lui dis-je. Elle