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un jour qu’il n’avoit pas la patience de feuilleter des sermons qui avoient été composés par le bouffon du roi de Danemarck. Mais, Monseigneur, lui dis-je, il y a deux Yorick. Le Yorick dont vous parlez est mort et enterré il y a huit siècles… il florissoit à la cour d’Horwendillus… L’autre Yorick n’a brillé dans aucune cour, et c’est moi qui le suis… Il secoua la tête. Mon Dieu ! Monseigneur, ajoutai-je, vous voudriez donc me faire penser que vous pourriez confondre Alexandre-le-Grand, avec Alexandre dont parle Saint-Paul, et qui n’étoit qu’un chaudronnier ? Je ne sais, dit-il ; mais n’est-ce pas le même ?

Ah ! si le roi de Macédoine, lui dis-je, Monseigneur, pouvoit vous donner un meilleur évêché, je suis bien sûr que vous ne parleriez pas ainsi.

Le comte de B… tomba dans la même erreur.

Vous êtes Yorick ! s’écria-t-il… Oui, je le suis… Vous ? Oui, moi-même, moi qui ai l’honneur de vous parler. Bon Dieu ! dit-il en m’embrassant, vous êtes Yorick !

Il mit aussitôt le volume de Shakespéar dans sa poche, et me laissa seul dans son cabinet.