Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/156

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trouver plutôt que tout autre, pour lui faire part du petit embarras où je m’étois plongé. Quel est votre embarras ? me dit-il, que je le sache. Je lui fis le même récit que j’ai déjà fait au lecteur.

Mon hôte, ajoutai-je en le terminant, m’assure, M. le comte, qu’on me mettra à la Bastille. Mais je ne crains rien ; je suis au milieu du peuple le plus poli de l’univers, et ma conscience me dit que je suis intègre. Je ne suis point venu pour jouer ici le rôle d’espion, ni pour observer la nudité du pays ; à peine ai-je eu la pensée que je fusse exposé. Il ne convient pas à la générosité françoise, monsieur le comte, dis-je, de faire du mal à des infirmes.

Je vis le teint du comte s’animer lorsque je prononçai ceci… Ne craignez rien, dit-il… Moi ! monsieur, je ne crains réellement rien ; d’ailleurs, continuai-je d’un air un peu badin, je suis venu en riant depuis Londres jusqu’à Paris, et je ne crois pas que monsieur le duc de C… soit assez ennemi de la joie pour me renvoyer en pleurs.

Je me suis adressé à vous M. le comte, ajoutai-je en lui faisant une profonde inclination, pour vous engager à le prier de ne pas faire cet acte de cruauté.