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Qu’on traduise ceci dans tous les langages du monde : en voici le sens.

« Voilà un pauvre étranger qui entre dans la loge… il a l’air de ne connoître personne, et il demeureroit sept ans à Paris, qu’il ne connoîtroit qui que ce soit, si tous ceux dont il approcheroit gardoient leurs lunettes sur le nez… C’est lui fermer la porte de la conversation ; ce seroit le traiter pire qu’un allemand. »

Le vieil officier auroit pu dire tout cela à haute voix, et je ne l’aurois pas mieux entendu… Je lui aurois, à mon tour, traduit en françois le salut que je lui avois fait ; je lui aurois dit « que j’étois très-sensible à son intention, et que je lui en rendois mille grâces. »

Il n’y a point de secret qui aide plus au progrès de la sociabilité, que de se rendre habile dans cette manière abrégée de se faire entendre, et d’être prompt à expliquer en termes clairs les divers mouvemens des yeux et du corps dans toutes leurs inflexions. Quant à moi, par une longue habitude, j’exerce cet art si machinalement, que, lorsque je marche dans les rues de Londres, je traduis tout du long du chemin ; et je me suis souvent trouvé dans des cercles où l’on n’avoit