Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/84

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un moindre inconvénient, c’est que la première partie de l’ouvrage, qui étoit la plus soignée, et à laquelle mon père avoit pris le plus de peine, devenoit absolument perdue pour moi. — Chaque jour, chaque heure en rendoit une ou deux pages inutiles.

Ce fut certainement pour rabaisser l’orgueil de l’humaine sagesse, que la Providence permit qu’un des plus sages d’entre les hommes s’abusât ainsi lui-même, et manquât son but en le poursuivant trop vivement.

Quoi qu’il en soit, mon père multiplia tellement ses actes de résistance ; ou, pour parler autrement, il avança si lentement dans son ouvrage, et je me mis à vivre et à croître si vîte, que je l’aurois laissé tout-à-fait derrière moi, et que son instruction eût été perdue pour la génération à laquelle il l’avoit destinée, sans un petit accident, que je ne veux pas cacher un seul moment au lecteur, si je peux trouver le moyen de le raconter avec décence.