Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/335

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mon père avec ma mère dans ses lits de justice,) ne sauroit aller plus loin qu’une demande, une réponse et une réplique ; une fois ces trois choses dites, le dialogue finit. —

Mais avec un âne ! je causerois toute ma vie.

« Viens, honnête animal, lui dis-je, voyant qu’il m’étoit impossible de passer entre la porte et lui, — veux-tu entrer ? ou veux-tu sortir ? — »

L’âne courba son cou, et tourna la tête du côté de la rue. —

« Eh ! bien, répliquai-je, nous attendrons ton maître une minute. »

Il ramena sa tête d’un air pensif, et regarda fixement de l’autre côté. —

« Je t’entends parfaitement, répondis-je, — si tu fais un seul pas mal-à-propos, tu seras battu impitoyablement. Après tout, une minute n’est qu’une minute, et elle ne sera pas perdue, si elle me sert à éviter la bastonade à un de mes frères. — »

Pendant cette conversation il mangeoit une tige d’artichaut, et se trouvant pressé entre son appétit d’une part, et l’amertume de la plante de l’autre, il l’avoit laissé tomber six fois de sa bouche, et six fois il l’avoit ramassée. — « Dieu te soit en aide, pauvre animal, dis-je ! tu fais là un déjeûner bien