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portèrent sur les religieuses, — et ce double regard vouloit dire : Dieu vous bénisse, mes chères sœurs !

Je déclare que cette histoire m’intéresse. — J’aurois voulu être là. —

Le jardinier, que désormais j’appellerai muletier, étoit un bon compagnon trapu, carré, de joyeuse humeur, aimant à jaser, et surtout à boire. — Les pourquoi et les comment de la vie ne le troubloient nullement. — Il avoit sacrifié un mois de ses gages pour se procurer un outre, ou tonneau de cuir qu’il avoit rempli du meilleur vin de l’endroit, placé derrière la calèche, et couvert d’une grosse casaque brune, pour le garantir du soleil.

Le fouet résonne, — les mules s’ébranlent, — on part, — on est parti. —

Il faisoit chaud. — Le muletier qui ne craignoit pas de se fatiguer, alloit et venoit sans cesse autour de la voiture, rarement sur sa mule, et presque toujours à pied. — Il avoit à combattre l’occasion et le penchant. — Il n’en falloit pas tant pour le faire succomber. — Bref, il tomba si souvent sur l’arrière-garde des équipages, il fit tant d’allées et de venues, qu’avant la moitié de la journée tout