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m’a fait dire que, si je voulois monter dans dix minutes, je lui ferois plaisir. — Je pense, a ajouté l’aubergiste, qu’il va dire ses prières, car il y avoit un livre posé sur la chaise auprès du lit ; et comme je fermois la porte, j’ai vu son fils prendre un coussin. » —

« Bon ! a dit le vicaire, est-ce qu’un militaire, monsieur Trim, prie Dieu quelquefois ? J’aurois parié que non. — Oh ! celui-ci, a répliqué la maîtresse de l’auberge, dit ses prières, et même très-dévotement. Je l’ai encore entendu hier au soir de mes propres oreilles ; sans cela, je n’aurois pu le croire. — Mais en êtes-vous bien sûre, a répliqué le vicaire ? » —

« Monsieur le vicaire, ai-je dit, apprenez qu’un soldat prie, ne vous en déplaise, et de son propre mouvement, tout aussi souvent qu’un prêtre. — Et quand il se bat pour son roi, pour sa vie, pour son honneur, — il a plus de raisons de prier Dieu, que qui que ce soit au monde. » —

« Tu as parlé à merveille, Trim, dit mon oncle Tobie. — Mais, ai-je dit, reprit le caporal, quand ce même soldat vient de passer douze heures de suite dans la tranchée, et jusqu’aux genoux dans l’eau froide, — quand il se trouve embarqué pendant des mois en-