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le nom d’inquiétude, ou nous en faisons un titre de légéreté contre les hommes, tandis qu’elles sont inhérentes en nous pour des desseins plus nobles, et qu’elles excitent notre ame à s’ouvrir de nouveaux sentiers de recherches et de savoir. Arrachez-les de notre cœur, l’indolence va tout de suite usurper cette place vide, et nous resterons environnés des objets que nous avons toujours vus dans la paroisse où nous naquîmes.

C’est à cette impatience naturelle que nous devons le désir de voyager, et cette passion, comme toutes les autres, n’est condamnable que par ses excès. Ordonnez-la comme il faut, et vous en recueillerez bien des avantages. Les voici : apprendre les langues, les lois et les coutumes ; comparer les gouvernemens et peser les intérêts des nations ; acquérir de l’urbanité et la facilité de discourir et de converser ; éloigner un jeune homme des préjugés que lui trame sa grand’mère, et des contes de sa gouvernante ; réformer son jugement en voyant des choses nouvelles, ou en contemplant des choses anciennes, dans un jour nouveau ; apprendre ce qui est bon, en considérant les variétés des mœurs et des idées ; juger ce qui est nécessaire ou non, en épiant l’adresse et l’art des hommes qui nous parlent,