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des noms de ceux de mes amis que je destinois aux emplois ; je les y classois selon leur mérite respectif, préférant toujours, ainsi qu’un bon roi doit le faire, les talens et les vertus à mes plus tendres affections.

N’étoit-ce pas, dites-moi, une scène des petites maisons ? un pareil manuscrit trouvé dans mon porte-feuille, ne passeroit il pas pour avoir été copié d’après la muraille charbonnée d’une loge ?

D’autres fois, je refusois absolument le sceptre ; je mettois le feu aux départemens de mes bureaux ; je m’écriois : nolo coronari. Mais cette résolution n’appaisoit pas ma soif de la domination ; je la resserrois seulement dans des bornes plus étroites, et la restreignois dans le cercle des hommes qui étoient compris dans celui de mon empire.

Je préfère Socrate à Solon, et j’aimerois mieux avoir le gouvernement moral que le gouvernement physique et politique des hommes. La seule et la vraie ambition est celle qui s’étend également sur toutes les nations, sur tous les âges, et qui se prolonge encore dans l’immensité de l’avenir.

Je suis peut-être un des plus grands philosophes que vous ayez connus. Les gens sensés admirent en moi, et les sots m’envient cette