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message indiscret dont j’avois chargé ma Duègne. Il vous dira que je volai avec précipitation à ma jalousie : vous saurez, par lui, avec quelle constance j’y restai pendant plusieurs jours appuyée sur mes deux coudes, les yeux immobiles et tournés du côté par où vous aviez coutume de vous y rendre.

Il vous dira que les forces abandonnèrent votre Julie, lorsqu’elle apprit votre départ ; que tout son sang se figea ; qu’elle fondit en pleurs ; et que son abattement fut si grand, qu’elle n’avoit pas le courage de retirer sa tête tombée sur son sein.

Ô Diégo ! Diégo ! si vous connaissiez les chemins que mon frère m’a fait parcourir pour voler sur vos traces, combien la violence de ma passion n’a-t-elle pas exagéré mes forces pour soutenir la fatigue ! combien de fois ne suis-je pas tombée entre ses bras, en m’écriant : ô Diégo !…

Si vos yeux enchanteurs, si la douceur de vos traits peignent votre ame, je ne doute point que vous ne voliez vers moi avec autant de vitesse que vous en avez mis à me fuir ; mais quelque prompt que soit votre retour, vous n’arriverez, hélas ! que pour me voir mourir. Mourir ! ah ! Diégo, Diégo ! faut-il que je meure sans être…