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du labyrinthe où je l’ai plongé, et que je le remette dans un état de repos et de tranquillité où ses discours ont fait juger qu’il n’étoit pas.

Pendant qu’il chicanoit sa mule sur de petites génuflexions qu’elle faisoit de temps-en-temps, et qu’il gagnoit son auberge aussi vîte qu’elle pouvoit aller, un autre voyageur faisoit hâte pour arriver à Strasbourg. — Parbleu ! dit-il en lui-même, après avoir trotté pendant une lieue, je suis un grand sot ! à quoi donc pensé-je. Je n’arriverai jamais ce soir à la capitale de l’Alsace, à cette ville fameuse où à cela près des tambours, il y a la plus belle garnison du monde. Bête que je suis ! eh ! quand je serois actuellement à la porte, m’y laisseroit-on entrer en donnant même un ducat ? J’en donnerois deux que je ne passerais pas. Je serois bien nigaud : retournons plutôt coucher à l’auberge que j’ai vue là-bas. Il tourne bride aussitôt, marche et arrive à l’enseigne où notre héros s’étoit arrêté.

— Ma foi, monsieur, nous n’avons que de la choucroûte et du pain… Nous avions bien une demi-douzaine d’œufs, mais un voyageur qui est arrivé avant vous en a fait faire une omelette.

Eh, morbleu ! j’ai plus besoin de dormir que de manger.