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Les autres, enveloppés de la même obscurité, tombent d’ornière en ornière. En voilà quelques-uns à la vérité qui se relèvent ; mais c’est pour s’engloutir à quatre pas plus loin, dans quelque bourbier, ou se briser la tête contre le tronc de quelque arbre.

Ceux-ci se heurtent les uns contre les autres, se doguent comme des moutons, se renversent et se culbutent pêle-mêle.

Ceux-là vont à la file les uns dés autres, comme une troupe d’oies sauvages.

Ici, c’est un poëte qui remporte prix sur prix, et qui n’en est pas moins hué.

Là, le peintre ne juge que par ses yeux ; le ménétrier ne consulte que ses oreilles. Stupides automates, ils ne sont animés que lorsque leurs passions sont excitées par la vue de quelque tableau, ou le son de quelque instrument. Toute leur existence dépend de ces passions factices : ils n’ont pas une pensée qu’elle ne soit l’effet de leur impulsion. Jamais ils ne se sont laissé conduire par des règles générales et permanentes : on diroit qu’ils sont nés peintres ou joueurs de violon.

Ici, c’est un fils du divin Esculape qui écrit un livre contre la prédestination, et qui fait peut-être un très-mauvais ouvrage.

Et dans cette alcove, c’est encore un frère