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notre raison. Vous le voyez, monsieur, l’élévation de notre esprit, et la profondeur de notre jugement, sont proportionnées aux besoins que nous en avons. Il y en a parmi nous une circulation si active, un flux et reflux si rapides, que je ne crois pas que nous puissions nous plaindre de notre partage.

Avouons pourtant une chose ; car il faut convenir de tout. Notre air qui souffle dix fois par jour le froid et le chaud, le sec et l’humide, influe beaucoup sur ces précieuses facultés. Nous ne les avons pas toujours d’une manière bien uniforme et bien constante. Il se passe quelquefois un demi-siècle sans qu’on les voie dominer parmi nous. Les petits canaux semblent s’en arrêter, jusqu’à ce qu’enfin la grande écluse qui les captive, s’ouvre et les laisse couler à grands flots comme des torrens. On croiroit qu’ils ne doivent jamais tarir. Alors, soit que nous écrivions, ou que nous combattions, nous chassons tout l’univers devant nous. Je ne suis malheureusement pas prophète, et je ne puis prédire le retour de cette gloire.

Voilà mes observations, et c’est par-là, c’est par cette manière prudente de raisonner, par cette analogie, par cet enchaînement, cet engrainage de choses et d’argumens que